LOI BIOETHIQUE ET PARENTALITE

 

Le projet de Loi bioéthique, initié par le gouvernement, a été voté en deuxième lecture le 31 juillet 2020. Le 3 février 2021, il a été revu par le Sénat qui a modifié certaines dispositions sur le texte de Loi de l’Assemblée nationale en supprimant la PMA aux femmes célibataires et en interdisant la conservation des gamètes sans raison médicale. Une commission mixte paritaire – Assemblée Nationale et Sénat doit trouver une solution commune. Le projet de Loi repassera devant l’Assemblée Nationale qui aura voix définitive. L’Assemblée Nationale devrait remettre le texte dans son écriture actuelle.

Rappelons que la Loi bioéthique a été adoptée pour la première fois par la Loi du 7 juillet 2011 qui prévoyait une révision dans un délai de sept ans. Il fallait laisser du temps à l’opinion publique pour se faire à l’idée de la procréation comme mode de filiation légale mais limitée aux couples mariés ne pouvant avoir d’enfants. 

Avec la Loi du 17 mai 2013 sur le mariage de personnes de même sexe, la PMA est devenue ipso facto ouverte à ces couples.

Les femmes célibataires ou vivant en couple sans être mariées n’étaient donc pas accessibles à la PMA. La Loi bioéthique à venir va ouvrir désormais cette possibilité aux femmes qui désirent avoir un ou des enfants sans être mariées.

 

I-              Définition de la Procréation Médicalement Assistée 

 

Du point de vue médical, » La procréation médicalement assistée ou PMA permet à un couple diagnostiqué infertile d'avoir un enfant. Pour cela, elle utilise différentes méthodes, comme la fécondation in vitro (FIV) ou l'insémination artificielle. L'objectif étant de permettre la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule afin de débuter une grossesse. « (journal des femmes.fr).

 

Le Code Civil encadre la PMA : Article 311-20 du Code Civil :


Modifié par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 22

Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.

Le consentement donné à une procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet.

Le consentement est privé d'effet en cas de décès, d'introduction d'une demande en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. Il est également privé d'effet lorsque l'homme ou la femme le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement assistée, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance.

Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant.

En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L'action obéit aux dispositions des articles 328 et 331.

II-            La PMA est prise en charge par l’assurance maladie.

 

« Selon les chiffres fournis en 2014 par l'Assurance maladie, une insémination artificielle coûte en moyenne 950 euros, et une tentative de fécondation in vitro 2 883 euros. L'Assurance maladie estime qu'en 2014, les actes d'insémination artificielle, de FIV, de transferts d'embryons congelés et d'injections intracytoplasmiques (qui consiste en l'injection d'un seul spermatozoïde dans l'ovocyte), lui auraient en moyenne coûté près de 300 millions d'euros. »

(www.journaldes femmes.fr).

 

III-          L’apport du projet de Loi bioéthique de 2021 : La PMA ouverte à toutes les femmes célibataires ou en couple.

 

Le Sénat a supprimé cet article mais il est probable qu’il sera rétabli par l’Assemblée Nationale.

Cette disposition est fondamentale pour l’accès à la parentalité. Critiquée parce qu’elle consacre un droit à l’enfant et non pas un droit de l’enfant. Mais, la Convention Européenne des Droits de l’Homme n’érige-t-elle pas en droit fondamental, le droit à une famille, ce qui inclut le droit à avoir un ou des enfants.

La Convention des droits de l’Homme ne confère pas de droits spécifiques de l’enfant. C’est la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) votée à l’unanimité en 1989 à New York qui a instauré un statut juridique de l’enfant lui conférant des droits. Convention ratifiée par la France. L’intérêt de l’enfant y est érigé en principe essentiel. Cette convention interdit l’exploitation des enfants sous toutes ses formes (guerre, travail, pornographie, maltraitance)

Il n’y a aucune disposition sur la filiation ni sur la naissance. Ce serait d’ailleurs discriminatoire et une atteinte à la vie privée.

Or, n’est-il pas de l’intérêt de l’enfant de vivre dans le respect de ses droits à être élevé, nourri, bien traité, éduqué ?

La revendication d’avoir un enfant est légitime pour un homme ou une femme qui aspire à transmettre.

 

IV-          Conditions de la filiation par PMA.

Les femmes devront faire une reconnaissance conjointe de l’enfant avant sa naissance chez un notaire.

 

V-            Droit d’accès aux origines de l’enfant à sa majorité.

L’enfant à sa majorité pourra accéder aux des données non identifiantes du donneur (âge, caractères physiques...) ou à son identité s’il y consent.

 

VI-          Autoconservation des gamètes en vue d’une PMA.

Autorisée dans le projet de Loi sous certaines conditions (âge, durée), le Sénat a rejeté le droit d’un homme ou d’une femme de conserver ses gamètes en vue d’une PMA. Les frais de prélèvement étant pris en charge par l’Assurance Maladie, mais non les frais de conservation.

Si le donneur est marié, il n’y aura pas besoin d’avoir le consentement du conjoint.

 

 

La Loi bioéthique prévoit d’autres autorisations jusque-là interdites sur la recherche médicale.

 

En conclusion, il est pratiquement acquis que la PMA sera ouverte à toutes les femmes, confirmant l’évolution sociétale de la place de la femme et de la reconnaissance de ses droits à être un parent.  « Elle a fait un enfant toute seule » . 

Le Père est absent dans cette configuration. Cela fait longtemps que les femmes assument souvent seules l’éducation de leurs enfants. Les familles monoparentales sont très nombreuses à PARIS ; un enfant conçu de façon traditionnelle ou par assistance est un enfant qui a besoin d’amour et de soins. Le besoin d’un enfant n’est- il pas légitime ? 

 

 

 

Le 8 février 2021

Francine SUMMA

Avocate-Médiateur

Barreau de Paris

 

LA REFORME DE L'ADOPTION

Le 4 décembre 2020, la proposition de Loi visant à réformer l’adoption a été adoptée en première lecture: Avec cette Loi, l’adoption est ouverte au couple non marié de personnes de même sexe.Cette réforme a été rendue nécessaire à la suite de la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (I).

L’adoption reste toujours une procédure rigoureuse qu’elle soit judiciaire ou administrative (pupilles de l’Etat) (II).Elle répond à un besoin sociétal d’avoir une famille, droit de l’Homme et est la solution idéale pour les familles recomposées désireuses d’unir les filiations issues d’unions précédentes- notamment pour des raisons d’ordre successorale (adoptions croisées).(III).

 

I-1.  Le but de cette réforme a été d’élargir l’adoption jusque-là réservée aux couples mariés,  aux couples pacsés et aux concubins et de réduire les difficultés à obtenir l’agrément en vue d’adoption réservé jusque-là au couple marié. Rappelons que depuis la Loi n°2013-404 du 17 mai 2013, l’adoption est ouverte aux couples mariés  de personnes de même sexe. Mais pas aux couples non mariés.

 

 La Cour Européeenne des Droits de l’Homme a permis cette ouverture avec  l’Arrêt E.B.c/ France du 22 janvier 2008 où la CEDH a déclaré que le rejet par la France de l’agrément en vue d’adopter présentée par une personne célibataire homosexuelle en raison de l’absence d’un référent de l’autre sexe était une violation de l’article 14 (discrimination) et 8 (Droit à une vie familiale) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. (Arrêt n°43546/02 CEDH 2008).

 

Il restait donc l’adoption par un couple non marié à valider par la Loi. 

 

I-2. Les autres assouplissements :

 

  • Les couples pacsés ou en union libre sont éligibles à la procédure d’adoption. Le délai de communauté de vie est de un an - avant il était de deux ans.

  • L’âge minimum requis pour adopter est  de 26 ans -avant il était de 28 ans.

  • L’écart d’âge maximum entre le plus jeune des  adoptants et l’enfant adopté avait été fixé à 50 ans avec possibilité  de déroger à cet écart lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie.Cette disposition a été supprimée au cours de la discussion parlementaire. Un article dans le Code Civil a été ajouté interdisant l’adoption plénière entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs et « toute adoption conduisant à une confusion de générations. »

  •  L’adoption de l’enfant né à l’étranger par PMA par un couple de femmes sera possible par la femme qui n’a pas accouché, en cas de séparation du couple et de refus de la femme qui a accouché de recourir à la reconnaissance conjointe permise par la Loi bioéthique.

  • Le congé pour adoption est allongé de 10 à 16 semaines à partir du 1er juillet 2021.






II-1. L’adoption reste une procédure rigoureuse. Le Ministère Public est partie prenante dans les adoptions judiciaires et donne son avis.

 

L’adoption d’un pupille de l’Etat est une procédure administrative. Seule , l’Aide Sociale à l’Enfance -ASE-  a compétence exclusive pour gérer les adoptions des pupilles de l’Etat. Les adoptions internationales sont gérées par les organismes autorisés pour l’adoption (OAA).

Les parents remettant l’enfant à l’ASE n’auront pas le droit de consentir à l’adoption.L’organisation et le fonctionnement des conseils de familles sont améliorés.

 Les décisions de rejets d’agréments sont des décisions administratives ouvertes aux recours administratifs.

 

II-2. La Loi  rappelle les 2 adoptions existant en Droit Français:

 

  • Adoption plénière: l’enfant rentre dans la famille de l’adoptant pleinement sans conserver sa filiation d’origine.Réservée aux enfants mineurs, cette adoption est définitive et ne peut plus être contestée. Pas de procédure de révocation pour ingratitude.

 

  • Adoption simple: l’enfant ou le majeur conserve sa filiation d’origine. L’adopté a deux liens de filiation. L’adoption simple peut être conférée à un majeur.L’adoptant peut faire une procédure de rétractation pour cause d’ingratitude.  L’adopté peut aussi demander la révocation de l’adoption.Enjeu sur la vocation successorale notamment. L’adopté simple n’est pas un héritier réservataire à l’égard de ses grands parents qui peuvent le déshériter.

 

II-3. Procédure.

L’adoption est une procédure judiciaire civile ou administrative pour les pupilles de l’Etat.

  • Adoption civile:

Il faut présenter une requête devant le Tribunal judiciaire du domicile de l’adoptant . Une copie pour le Ministère Public qui est chargé de donner son avis. Le Ministère Public tient le registre de l’Etat-civil et c’est lui qui transcrit la décision judiciaire.

Il faut joindre le consentement de l’adopté de  plus de 13 ans passé devant notaire.

Pour l’adoptant marié, le consentement du conjoint est nécessaire , passé devant notaire.

Pour l’adoption simple, le consentement des parents biologiques est nécessaire mais il y a des assouplissements en cas de refus.

 

  • Adoption administrative:

Pour les pupilles de l'Etat, la procédure  passe par la demande d’agrément auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). L’instruction de la demande porte  sur une étude complète de  la personnalité de l’adoptant, son milieu, étude comportant des dimensions psychologiques, sociales, financières,et sur la santé. L’instruction a une durée de neuf mois environ. L’agrément a une durée de 5 ans, renouvelable. En cas de refus, un recours est possible. Le conseil de famille examine ensuite les dossiers et sélectionne les candidats. 

Une fois la décision de confier l’enfant à  une personne ou à un couple, une mise en place se fait progressivement pour contrôler la bonne intégration de l’enfant.

 

- L’adoption plénière des enfants de plus de quinze ans est favorisée pour les assistants familiaux qui les ont recueillis  dans le cadre de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) avec possibilité d’adoption plénière jusqu’à 21 ans.

Des dispositions sont prévues pour adopter des majeurs protégés incapables de donner leur consentement à l’adoption.

-  Les pupilles de l’Etat auront leur statut renforcé avec un droit d’information de toute décision prise à leur égard par leur tuteur. 

 

III- L’adoption répond à un besoin sociétal d’avoir une famille qui est droit de l’Homme  (Article 8 CEDH). Elle est  un pas de plus vers la réalisation d’un beau projet parental et familial. Un enfant c’est une famille.

Les statistiques montrent cependant  la complexité de l’adoption:

En 2018, 650 pupilles de l’Etat ont été adoptés pour 10.600 agréments.

615 enfants ont été adoptés à l’étranger.

 

Par contre, les adoptions intrafamiliales sont en forte augmentation :

En 2018, sur 12.500 adoptions -enfants et adultes - 98% ont été  des adoptions simples intra familiales. Sur les adoptions plénières, 60% ont été des adoptions par le conjoint de leur parent.( 6% en 2007).

83%  d’adoptions plénières de l’enfant du conjoint de l’adoptant de même sexe.

6% d’adoptions croisées.

 

La réforme vient adapter l’évolution de la société en France où l’enfant est le centre de la famille mais avec une parentalité diversifiée.

 

Références bibliographiques:

Proposition de loi visant à réformer l’adoption https://www.vie-publique.fr/loi-visant-reformer-ladoption-2020 https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Adoption_homoparentale_en_France

https://www.francebleue.fr/infos/societe/reforme-de-l’adoption

https://www.service-publi.fr/particuliers/vosdroits/F933